La ville de Diana Veteranorum, aujourd’hui kherbet Zana est située dans la plaine appelée Bled Zebidja, sur une pente, entre une étendue marécageuse, Merdja Zana au Nord, le djebel Tifrêne au Sud (1100 m), djebel .qui fait partie du massif montagneux du Messaouda; le. Djebel Zana (1280m) à l'Ouest et la plaine de Bled Mechouach, plaine qui prolonge celle du Bled Zebidja vers l’est. L'altitude moyenne de cette plaine varie entre 815 m et 840 m.
La ville de Diana Veteranorum est mentionnée par trois sources antiques : l'Itinéraire d’Antonin ,la Table de Peutinger et les actes de la conférence de Carthage en 411 , où un évoque donatiste la représentait. Le nom de cette agglomération a pu être mentionné par les géographes et historiens arabes ; dans certains de leurs manuscrits, on trouve l'emploi de quatre toponymes qu'on l'on n'arrive pas encore à situer géographiquement. Il s'agit d'Adna, d’Adana, d’Arba et d’Azba . Al Raqiq (X eme siécle) et Al Bekri (XI eme siècle) emploient le mot Adna Él Yacoubi (Xème siècle) celui d'Adana Ibn Khaldoun celui d'Adhna et celui d’Azba, et Al Nuwairi et Ibn Al Athir celui d'Arba. Selon P.L.Cambuzat:" la corruption du mot d'un manuscrit à l'autre peut très bien s'expliquer par l'absence de points diacritiques dans l'ancienne graphie arabe". D'après le récit d'El Ayachi reproduit par Moula Ahmed, (Diana) était la capitale de la région : " Lorsque Sidi Okba eut remporté la victoire sut les gens de Lambèse , il demanda qu'elle était la ville la plus forte de la région , on lui dit que c'était Adna ou il y avait un roi (malik) ,chef des chefs chrétiens du Zab, pays qui comptait trois cents soixante bourgades". Al Raqiq ainsi que Nuwairi nous apprennent qu'Arba-Azba était la principale ville du Zab, résidence du roi (malik) et centre de réunion des princes du Zab. El Yacoubi dit qu' "Adana (Diana) est la plus grande ville du pays du Zab vers l'Ouest. Okba rencontra les gens du pays et un grand combat s'engagea. Les musulmans triomphèrent des chrétiens dont la majeure partie fût détruite, leur pouvoir cessa dans le pays". Diana a pu disparaître dans le courant du dixième siècle, El Bekri rapporte qu'elle fût ruinée en l'an 935 par Ali Ben Hamdoun Al Andaloussi, gouverneur du Zab et fidèle serviteur des Fatimides. Les habitants de Diana, à l'exemple des autres villes de l'Algérie orientale (telle Sétif), ont probablement participé à la grande insurrection politique et religieuse menée par Abou Yazid, l’homme à l’âne, qui s éclatée dans l'Aurès. El Bekri rapporte également que les Houara, qui habitaient du côté de Magra (Macri) ont enlevé les femmes d'Adna (Diana), les habitants en tuèrent un grand nombre et ramenèrent leurs femmes ; le combat eut lieu sur le bord d'une rivière qui prit, par la suite, le nom de oued En N'sa « la rivière des femmes".
Les ruines furent visitées successivement au XVIII siècle par Peysonnel et par Shaw. En 1850, le colonel Carbuccia fit rechercher au pied de l'arc de Macrin les morceaux de l'inscription dédicatoire de cet arc. L.Renier, qui visita plusieurs fois le site, fit fouiller la basilique byzantine, mais seulement pour glaner des inscriptions latines pour son ouvrage. W.Ragot, dans un article sur la province de Constantine, donne un aperçu historique du site d'après les sources antiques et musulmanes et d'après les fouilles et les découvertes de L.Renie. En 1881 M. Bernard a essayé de déblayer le petit fortin qui englobe l'arc de Macrin, mais il a été arrêté par les difficultés de la tache. Une étude sérieuse des ruines a été entreprise par St. Gsell et H.Graillot; Ch. Diehl s'est intéressé à la forteresse byzantine. Quelques sondages ont été entrepris par M.Carayol, administrateur de la commune mixte du Belezma, mais les résultats de ces travaux n'ont jamais été publié.
Il y a eu plusieurs campagnes de fouilles entreprises parJ.Alquier entre 1929 et 1935 : dégagement du fortin, du forum, de la basilique byzantine et partiellement du décumanus entre les deux arcs, ainsi que d'autres sondages sur plusieurs points de la ville. Malheureusement , rien n'a été publié, sauf quelques résumés très sommaires, non accompagnés de plans, rédigés par l'architecte des Monuments historiques M. Christofle. La tour Nord/Ouest ainsi que la porte occidentale du grand fort byzantin ont été dégagé : ce n'étaient que quelques petits sondages qui n'ont donné que des inscription.
A- La ville de Diana Veteranorum :
a) Epigraphie:
Cette ville est appelée Diana Veteranorum dans 1'Itinéraire d'Antonin, Ad Dianam dans la Table de Peutinger et Fidentius, évêque donatiste qui a représenté la ville à Carthage en 411 est qualifié de Dianensis. La plus ancienne inscription, trouvée à Diana Veteranorum, est de l'année 140 A.D.; celle qui cite le nom de la ville, pour la première fois, est de l'époque de Marc Aurèle .
Le nom de la ville, Diana Veteranorum, semble indiquer que ses premiers habitants furent des vétérans. Ils étaient inscrits dans la tribu Papiria, tribu de l'empereur Trajan. On serait tenté d’affirmer, à l'exemple des villes romaines crées par cet empereur et qui ,toutes, étaient inscrites dans la tribu Papiria ,que Diana ,elle aussi ,a été crée par Trajan; hypothèse réfutée par St. Gsell et par J.Gascou[ qui émettent certaines réserves :des communes, crées par Hadrien ,ont été inscrites dans la tribu Papiria .Mais l'hypothèse que Diana fut un municipe dès Trajan est renforcé par l'existence de deux inscriptions trouvées au Nord du lac dit Chott El Beida ( à environ 30 Km au Nord-Ouest de Diana). Il s'agit de deux bornes de délimitation du territoire des Suburbures, tribu qui a été délimité à l'époque de Trajan en 116/117 A.D. Une inscription, encore inédite, découverte à El Eulma par P.Salama nous informe que le territoire de la Confédération Cirtéenne s'étendait jusque là. Les Suburbures Seraient donc établis sur des terres faisant partie de la Confédération Cirtéenne. La question que l'on se pose est pourquoi a t on éprouvé le besoin de délimiter ce territoire précisément en 116/117 A.D.? Il ne saurait y avoir qu1 une seule explication : c'était par rapport au territoire de la ville de Diana, ville qui a certainement été fondé entre 100 et 117 A.D, en tand que municipe. L'existence d'une agglomération antérieure à la fondation du municipe par Trajan n'est pas à rejeter : le géographe Ptolémée énumère une ville du nom de Zana comme faisant partie du royaume de Juba II; assertion rejetée par J.Desanges et acceptée par J.Gascou. Quelques tessons de céramique campanienne A, conservés dans les réserves du musée de Constantine, portent comme lieu de provenance le site de Zana. Mais jusqu'à présent, la ville n'a fournit aucune donnée archéologique sure nous permettant de remonter au delà du début du deuxième siècle de notre ère.
En général, il faut noter que cette cité est appelée plus simplement r(es) p(ublica) D(ianensium) sur certaines bornes milliaires ainsi que sur certaines inscriptions trouvées sur le forum de la ville. Le conseil des décurions est fréquemment mentionné sur les inscriptions; l'édilité et le duumvirat étaient les magistratures régulières ,mais on rencontre des duumviri quinquennales; dans les cas de vacances dans le duumvirat ,on trouve des praefecti iure dicundo et des praefecti Jure dicundo pro duttmviris quinquennalibus. Dans le cursus honorum ,la questure n'avait pas de place fixe :elle était gérée tantôt avant, tantôt après l'édilité[,mais en général elle précède l'édilité. L'ordo est mentionné sur certaines inscriptions. Il faut noter, à Diana, l'existence d'aedilis q(uaestoricae) ou q(uaestoriae) p(otestatis. Ce titre ne se rencontre que dans la confédération Cirtéenne. Selon L.Leschi, le praefectus iure dicundo et l'aedilis quaestoriae potestatis ,étaient probablement choisi par l'administration provinciale et non désigné par l'ordo decuriorum, J.Gascou explique l'existence de l'édile à puissance questorienne à Diana par le fait que la ville «devait relever ,théoriquement du pouvoir civil du proconsul de Carthage ,mais dans les faits ,était soustraite à son contrôle et dut entrer assez tôt ,et peut-être dès sa création ,sous l'autorité de fait du légat de la troisième, légion Auguste".Il ajoute que certains des pouvoirs juridictionnels du proconsul d'Afrique étaient confiés par délégation à des magistrats locaux. On aurait ainsi écarté le proconsul de l'administration effective de Diana comme de la Confédération Cirtéenne.
Il y avait aussi, à Diana, des flamines perpétuels, des augures et des pontifes .Les dieux adorés sont ceux du panthéon romain avec une prééminence de Diane, à qui était dédié un vaste temple situé au sud de l’ agglomération et dont l’ image est sculptée sur la voûte de l'arc de Marc Aurèle et de Lucius Verus; viennent ensuite la Triade capitoline, Jupite, Saturne dont le culte avait une grande importance , Victor ; Ianus Pater, Hercule, Mars, Mercure ,La Victoire, La Concorde,1e Genius Populi,1e Genius Loci ,Mithra. J.Alquier a trouvé un autel mentionnant un sacrifice à Cybèle, la mère des dieux, que St. Gsell propose de dater de l'époque d'Elagabal (218-222) ou de celle de Probus.
D'après ce qu'on vient de voir, on peut dire que certains légats propréteurs de la troisième légion Auguste se sont intéressés à Diana Veteranorum entre 140 A.D. et 285 A.D, et que les magistrats de la ville leur ont offert des statues qu1 ils ont placé sur le forum. On ne sait pas exactement quels genre de travaux ont été réalisés par la troisième Légion Auguste et même s'il y a eu vraiment réalisation d’ouvrages ; ce dont on est sûr c'est que des hommes de cette légion sont venus travailler à Diana en 160-161 et en 286-287.
Diana Veteranorum, d’après son nom, a été peuplée essentiellement avec des vétérans. Les inscriptions latines y sonttrès nombreuses mais apportent peu de renseignements sur les origines des habitants, On compte un vétéran de la IIème légion des Parthes; un autre de l'aile des Pannoniens (on ne sait pas de quelle aile des Pannoniens il s’agit, mais il est certainement question ici de la 1ère qui faisait partie de l'armée romaine d'Afrique . Deux inscriptions, dont une dédicace ,concernent deux vétérans de la IIIème légion Auguste ; elles n'apportent pas d'éléments nouveaux, on sait qu'à partir de la moitié du IIème siècle de notre ère, tous les vétérans à qui on donne des terres en Afrique viennent des provinces africaines.
Un grand fort, une église chrétienne (bâtie sur leforum) et peut-êtreun "fortin" témoignent de l'importance de cette ville à l'époque byzantine. La construction de l'église sur le forum et la présence de tombes sur le côté Nord de celui-ci n'est pas sans rappeler le forum de Sabratha, en Tripolitaine, où la basilique civile a cédé la place à une église et le portique à un baptistère (d'époque byzantine) près de l'église, s’est installée une nécropole à partir du VIème siècle. Quelques tombes ont même gagné le forum .
On n'a reconnu, à Diana, aucun monument d'époque Islamique. J.Alquier a trouvé, lors du dégagement du "fortin" plusieurs niveaux ainsi que de la céramique "berbère".